Pourquoi je n’irai pas au salon Produrable cette année !
Dernière mise à jour : 27 juin 2022

Article écrit par Marion Rocher, consultante alimentation & restauration responsable, fondatrice de Maïom.
Il y a 4 ans, j’ai pris la plume pour parler des interventions et conférences auxquelles j’ai assisté à Produrable. J’y partage ce que j’ai retenu, ce que j’ai entendu, et la façon dont je l’ai vécu.
A l’époque, je n’ai pas osé publier ce que j'avais écrit…
Sensation de déréalité ? Peur d’être taxée d’extrémisme ? Honte de ce que laissait entrevoir le secteur de la ‘responsabilité sociale et environnementale des entreprises’ dans lequel je me suis investie avec l'ambition de participer au développement durable, de faire ma part ? Ou simplement parce que j’avais encore espoir en la RSE ? Je ne sais pas.
J’ai retrouvé ces comptes-rendus il y a 2 jours et je partage un passage, celui du moment qui m'a le plus indignée. Parce qu’au fond, rien n’a vraiment changé.
Les années qui ont suivi cette deuxième visite à Produrable en 2018 (j’y suis allée pour la première fois en 2017), j’ai continué à visiter ce salon. Je crois que mon indignation ayant muté en résignation, j’ai cessé d’écrire mon ressenti et d’en faire une interprétation contextuelle (notamment sous le prisme du développement durable, ou de l’écologie). Et cette année, pour la première fois depuis 2017, c’est une douce fatigue conjuguée à une forte déception qui s’est installée en moi et qui m’invite à ne plus y assister…
Si mes souvenirs sont corrects, la qualité des conférences s’est améliorée avec le temps (j’ose espérer qu’on n’entendra plus « la viande, c’est bon pour la santé, bon pour l’environnement, bon pour la planète » comme vous pourrez le lire ci-dessous), mais je suis toujours repartie très déçue.
Ce n’est pas tant le salon en lui-même que le secteur de la RSE tout entier qui m’attriste. La dimension économique y est toujours tellement prégnante qu’il s’inscrit dans une trajectoire qui navigue bien souvent (car il y a des exceptions, et des nuances) à contre-courant de ce que nous devrions envisager pour assurer un avenir sain sur cette planète.
Voici, donc, ce que j'écrivais, après avoir assisté à l'une des conférences du salon Produrable de 2018, dont la ligne directrice n’est autre que Primum Non Nocere, ce qui signifie “En premier lieu ne pas nuire, au-delà faire du bien”, et l'enjeu clé : la consommation responsable.
"Conférence n°2 - La santé dans l’assiette : de la production responsable à la consommation responsable
La deuxième conférence de l’après-midi fit émerger en moi un mélange de stupeur et d’étourdissement. J’étais perdue. La promotion de l’intégrité et de l’éthique des entreprises dans un objectif business est ici arrivée à son paroxysme.
Quand j’ai lu le titre « la santé dans l’assiette : de la production responsable à la consommation responsable », je l’ai trouvé particulièrement alléchant. C’est mon sujet. Quand on voit le poids des entreprises agro-alimentaire et des restaurants collectifs d’entreprise dans l’économie, les impacts de l’alimentation dans les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation de l’eau, les déchets, les relations sociales, ou encore la santé bien évidemment, on attend beaucoup d’une telle conférence.
Parmi le panel d’intervenants on retrouve Laïta (le lait), Fleury Michon (on connait), Bleu-Blanc-Coeur (à voir si la qualité de leur communication en matière de responsabilité et aussi solide que leur réel impact positif sur la planète) et Harmonie Mutuelle au milieu, qui tente tant bien que mal de rattraper le coup et d’équilibrer l’image renvoyée par cette cohorte d’industriels.
Il faudrait m’expliquer pourquoi un salon qui cherche à améliorer les pratiques des entreprises, et ici celles de l’agro-alimentaire, en termes de responsabilité sociales, sociétales, et environnementales, reçoit une conférence sur la production et la consommation responsable animée par les pires acteurs de l’agro-alimentaire ? Est-ce cela que nous voulons transmettre aux générations futures ?
Ma réaction ne prendrait pas ces proportions si, alors que j’espérais encore une fois de réelles propositions dont les attentes sont restées inassouvies, un fameux médecin nutritionniste-lobbyste n’avait osé faire l’apologie de la viande, étant, je cite, « bon pour la santé, bon pour l’environnement, bon pour la planète ». Réveillez-moi, ramenez-moi dans mon monde, car dans mon monde ces questions ne sont plus d’actualité, même pour les pouvoirs publics, nous sommes arrivés à un consensus scientifique, médical, écologique concernant les impacts de la viande (pour rappel, la production de viande et de produits laitiers est responsable de près de 85 % des émissions de gaz à effet de serre de l’alimentation au stade agricole) !
Pourtant, sur l’écran derrière les intervenants, on observait un nuage de mots clés proposés par le public (la salle était comble, dans l'un des plus grands amphithéâtre du Palais des Congrès de Paris), dans lequel on pouvait lire « végétarisme » « végétalien » « vegan » « éthique » « respect » « conscience » « bien-être ». Ce qui prouve que nous sommes nombreux à avoir ouvert les yeux. Personne ne disait rien. Que s’est-il passé ? Pourquoi nous sommes nous tous résignés ainsi à laisser parler cet individu ?
Je ressort déçue de cette conférence dont le thème était la production et l’alimentation responsable. Je suis triste de confirmer une nouvelle fois que rien n’avance dans le monde des entreprises, même celles aux belles politiques RSE.
Mais, juste après, comble de l’incohérence, il y avait un talk sur « le bien-être animal : une utopie ? ».
Surprise, le salon ne s’en est pas vanté (sur les programmes, rien n’indiquait leur présence - serait-ce parce que l’ANIA est partenaire silver ?).
La présidente d’L214 intervenait. Était-elle là à la conférence précédente... ? Les prises de parole donnèrent l’occasion à un welfariste et une abolitionniste de s’exprimer face à des professionnelles de la RSE et du Développement Durable sur l’amélioration des conditions d’exploitation et de vie des animaux.
Ils soulignent le manque d’information et d’éducation à ce sujet (pour ne pas dire de mésinformation), ainsi que leur volonté commune de développer progressivement le bien-être animal. Mais, ils nous alarment également sur les campagnes de propagandes menées par les lobbystes agro-alimentaires, notamment dans les écoles. Les nouvelles générations voient petit à petit leur culture alimentaire se modifier, ce qui ne plait pas à certains acteurs.
Les intervenants s’appuient sur le nécessaire développement de l’éthologie (étude de l’intelligence animale) qui devrait, selon moi, rejoindre celui de la phénologie (étude du rythme de vie des animaux et des végétaux) pour aider à construire le monde de demain.
C’était une sorte de victoire de voir l’association ici pour la première fois, et cette discussion avoir lieu. L’espace était loin d’être aussi rempli que la conférence précédente, mais c’est un premier pas qui prouve la démocratisation du sujet et l’intérêt croissant qu’il suscite."
J'ai également écrit sur les conférences "le travail du futur", "le Plan Economie Circulaire" et "l’engagement RSE des entreprises de la Bio : pour une cohérence globale". Je peux les publier sur demande.